Covid-19 : il y a-t-il une relation dose-effet ? linéaire ou non ?

Il est assez naturel de penser qu’un organisme en relativement bonne santé et contaminé par un unique exemplaire d’un virus a de bonnes chances de l’éliminer grâce à son système immunitaire avant même qu’il ait pu pénétrer une cellule et commencé à s’y répliquer. En revanche une attaque massive peut être plus difficile à repousser. Cela peut arriver lors d’un contact long avec une personne dispersant beaucoup de virus, voire avec plusieurs contacts peu éloignés dans le temps avec une ou plusieurs personnes.

Que le risque soit d’autant plus grand que les contacts seront nombreux avec des personnes très contagieuses est une hypothèse très vraisemblable. On peut cependant se demander si le phénomène est linéaire. Si l’on définit la dose comme le nombre de copie du virus pénétrant en une fois, la probabilité de développer la maladie est-elle bien proportionnelle à cette dose ? Ne peut-on imaginer une relation dose effet non linéaire et avec un seuil de démarrage ?

Par ailleurs, en cas de contacts successifs, il peut y avoir un effet de réparation. Les doses ne s’ajoutent au cours du temps que si les premières doses n’ont pas été annihilées par les défenses de l’organisme.

Les modèles simples à R0 supposent implicitement que les probabilités de maladie sont proportionnelles au nombre de contacts et ne distinguent pas 10 contacts en une journée ou 1 contact par jour pendant 10 jours. De même dans un groupe de 10 personnes, qu’une seule personne rencontre 100 personnes alors que les autres n’en rencontrent aucune est la même chose que 10 rencontres pour chacune des 10 personnes.

Si donc on abandonne ces hypothèses de linéarité et que l’on considère que l’organisme a une certaine capacité de lutte (moins grande bien sûr pour les organismes affaiblis), cela peut expliquer pas mal de bizarreries apparentes.

Il est clair par exemple qu’il y a eu des clusters très touchés mais que bizarrement les voyageurs contaminés issus de ces clusters n’ont pas toujours réussi à provoquer des clusters dans d’autres régions (exemple les parisiens ayant fui la capitale pour se réfugier en province). Cela s’explique si les voyageurs n’ont pas réussi à créer localement une masse critique (possibilité de plusieurs contacts contaminants) permettant au phénomène de s’enclencher. A contrario si un rassemblement dense contenant plusieurs super-contaminateurs se produit, alors le phénomène démarre et peut s’amplifier.

En d’autres termes on a sans doute un phénomène non linéaire et multi-échelles (ceux qui font s’arracher les cheveux des physiciens comme par exemple la turbulence). Une population assez homogène et ayant des contacts sociaux raisonnablement nombreux pourra ne pas être touchée alors qu’une population ayant en moyenne le même nombre de contacts mais avec une certaine inhomogénéité faisant que certains sous-ensembles en aient beaucoup plus que la moyenne pourra avoir localement des phénomènes de criticité qui peuvent s’étendre ensuite à des taches plus importantes.

3 réflexions sur “Covid-19 : il y a-t-il une relation dose-effet ? linéaire ou non ?

  1. Anonyme

    Effectivement, c’est une bonne idée d’aborder la question de la contagiosité d’une part et du caractère pathogène d’autre part, en faisant appel à la notion de dose, totalement pertinente dans d’autres domaines comme la toxicité chimique ou la toxicité par des agents physiques…

    Est-ce le cas pour les virus ou les bacilles ou les bactéries? Ce n’est pas certain même s’il semble effectivement  » naturel » de considérer qu’une « exposition intense et répétée » des voies d’entrée de l’organisme à des agents biologiques pathogènes augmente le risque…

    A minima, il faut donc sûrement faire l’hypothèse conservatoire que la relation dose-effet n’est pas de type linéaire – avec ou sans seuil – mais ce n’est certainement pas suffisant pour expliquer tous les dégâts du SARS-CoV-2 .et son apparente innocuité dans certains cas. Ni même pour expliquer la contagiosité d’un individu asymptomatique.

    Pourquoi, par exemple, à exposition égale, le virus dont on sait qu’il se réplique dans les fosses nasales est parfois éradiqué à ce stade (ou qu’il n’a pas d’autre effet que de diffuser par expulsion à l’extérieur une fois répliqué) et parfois poursuit son chemin dans le poumon profond avec une éventuelle et destructrice réaction inflammatoire due aux différentes composantes du système immunitaire… « La dose » d’entrée semble hors-jeu dans l’apparition des « orages de cytokines »! Disons que la réponse immunitaire innée et/ou spécifique est d’une extrême complexité, qu’elle est multifactorielle. C’est le nœud de l’affaire mais elle est peut-être largement indépendante de la « dose » au sens du présent billet,

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    1. Il y a beaucoup de questions intéressantes. Je n’ai hélas pas les réponses et mes connaissances en biologie sont très limitées. La contagiosité des asymptomatiques n’a rien de mystérieux car l’asymptomatique ne l’est que par notre incapacité à détecter des symptômes très discrets, il peut néanmoins avoir affronté et freiné une forte multiplication du virus dans son corps. Il est alors peu affecté lui même mais peut néanmoins excréter quelques exemplaires du virus. S’il produit peu de virus, il est logique alors que ceux qu’il contamine aient peu de chances d’avoir leurs défenses débordées et soient donc simplement à leur tour des asymptomatiques. Cela pourrait expliquer que l’épidémie ait couvé silencieusement très longtemps (sur notre porte avion notamment). Mais quand le nombre de faibles disséminateurs augmente, il arrive un moment où l’on peut être exposés à plusieurs contaminateurs simultanément (toujours le cas du porte avion ou d’un milieu très fermé), on passe alors au stade suivant où les défenses de la victime sont totalement débordées et où il devient un symptomatique fort, capable de disséminer assez de virus pour contaminer largement et candidat à une mort ultérieure.

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  2. tarifzein

    Merci d’avoir abordé ce sujet car j’y pense de plus en plus depuis qq jours.
    L’hypothèse d’un seuil est très plausible.
    Ça pourrait suggérer que le port généralisé du masque plus les autres gestes barrière auraient peut être suffit.
    En attendant, les modèles alarmistes se multiplient.

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